dimanche 16 février 2014

Haïti et ses Constitutions (17): Constitution de 1935 pour Sténio Vincent

Par Dr. Pierre Montès

Nous sommes en 1935.- 
Le mandat du Président Sténio Vincent a commencé le 18 novembre 1930. La Constitution de 1932 précise, en son Article A des Dispositions transitoires, la date à laquelle devra prendre fin ce mandat: le 15 mai 1936.

De plus, l'Article 76 de la Constitution de 1932 stipule que le Président de la République, élu pour six (6) ans, n'est pas immédiatement rééligible. 

Or le Président Sténio Vincent veut bénéficier d'un second mandat. Pour parvenir à ses fins, il fait adopter une nouvelle constitution une année avant la fin de son premier mandat: c'est la Constitution de 1935.

L'Article unique de la Disposition spéciale de cette nouvelle constitution déclare que le Citoyen Sténio Vincent, l'actuel Président de la République, est investi d'un nouveau mandat de cinq (5) ans à compter du 15 mai 1936.

L'Article 34 de cette nouvelle constitution fixe à cinq (5) ans la durée du mandat du Président de la République et permet à ce Président de faire deux mandats consécutifs de cinq ans. Mais il ne peut faire plus de deux mandats.

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Voici quelques articles de la constitution de 1935. Un lien vers le texte complet de cette constitution est donné à la fin de cet article [*].

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Article 14.- Le Gouvernement d'Haïti est républicain et démocratique. Il fonctionne par le Pouvoir Exécutif, dirigé par un Président, détenteur de la puissance publique, sous l'autorité de qui fonctionnent les divers organes de l'État et qui est assisté du Corps Législatif et du Corps Judiciaire. 

Article 34.- Le Président de la République est élu pour une durée de cinq ans et son mandat n'est renouvelable que pour une nouvelle durée de cinq ans. 
Aucun citoyen ne peut être élu Président de la République s'il a exercé deux fois le mandat présidentiel.


De l’Élection du Président de la République

Article 38.- Trois mois avant le terme du mandat du Président en fonction, l'Assemblée Nationale, si le Corps Législatif est en session, se réunit d'elle-même à huis clos et désigne trois candidats parmi les citoyens qui aspirent à la présidence de la République et qui doivent se faire connaître à l'Assemblée par lettre recommandée. Si le Corps Législatif n'est pas en session, le Président de la République est tenu de convoquer l'Assemblée Nationale à cette fin. Dans l'un ou l'autre cas, procès-verbal de la désignation est dressé en triple original et signé de tous les membres présents de la dite Assemblée. L'un des originaux auquel sont annexées les lettres des candidats désignés, est adressé immédiatement au Président du Tribunal de Cassation ; le second est transmis au Secrétaire d'Etat de l'Intérieur qui est tenu de le faire insérer sans retard au Moniteur et publier dans toutes les Communes de la République ; le dernier est gardé dans les archives de l'Assemblée Nationale. Dans les huit jours qui suivront la publication dans le Moniteur du procès-verbal de l'Assemblée Nationale désignant les trois candidats à la Présidence, les Assemblées primaires électorales de chaque Commune sont convoquées par le Président de la République. Elles se réunissent, à la date fixée dans le décret de convocation et votent au scrutin secret pour l'un quelconque des trois candidats. 

Il est dressé, dans les conditions déterminées par la loi électorale, un procès-verbal en double original comportant le nombre des suffrages obtenus par chacun des trois candidats. Ce procès-verbal est signé et certifié sincère, par le Bureau qui a recueilli les votes; en outre, transmis, sous pli scellé et cacheté, l'un à l'adresse du Président du Tribunal de Cassation, l'autre au Doyen du Tribunal Civil de la Circonscription électorale où ce procès-verbal a été dressé. L'original adressé au Doyen sera déposé, sous sa responsabilité personnelle, au greffe de son Tribunal. 

Aussitôt les plis reçus de toutes les Communes, le Président du Tribunal de Cassation en fait part au Président du Sénat et au Président de la Chambre des Députés, et les invite à se trouver, le dixième jour qui précédera la date de la cessation du mandat du Président en fonction, au Tribunal de Cassation, pour assister à l'ouverture des plis et au recensement des votes. Le public sera admis à y assister. A haute et intelligible voix, le Président du Tribunal de Cassation dira le contenu de chaque pli dont il sera tenu note. Le candidat qui, d'après le recensement, aura eu le plus grand nombre de votes, sera, par le Président du Tribunal de Cassation, déclaré Président de la République. Il en recevra notification dans le jour même. Les Chambres se réuniront en Assemblée Nationale, dans les 24 heures qui précéderont la cessation du mandat du Président en fonction, pour recevoir son serment constitutionnel. 

Dans le cas où soit le Président du Tribunal de Cassation, soit le Président du Sénat de la République, soit le Président de la Chambre des Députés, serait parmi l'un des trois candidats désignés par l'Assemblée Nationale, les fonctions ci-dessus prévues seront remplies dans le premier cas par le vice-président du Tribunal de Cassation, dans les deux autres par les premiers Secrétaires des bureaux du Sénat et de la Chambre. 


Disposition Spéciale 

Article Unique.- Le Citoyen Sténio Vincent, actuellement Président de la République, ayant bien mérité de la Patrie pour avoir: 1° libéré le Pays de la tutelle étrangère; 2° entrepris sérieusement son organisation économique, et la majorité du Pays ayant publiquement manifesté le désir qu'il n'y ait pas de solution de continuité dans l'œuvre entreprise par l'actuel Président, le Citoyen Sténio Vincent est investi d'un nouveau mandat de Cinq Ans à compter du 15 Mai 1936. 


Dispositions Transitoires

(A) Les premières élections législatives et la nomination des dix Sénateurs au choix du Président de la République qui suivront l'adoption de la présente Constitution, auront lieu dans un délai de six mois à compter du 1er Avril 1936, soit, au plus tard, le 1er Octobre 1936. Le Corps Législatif ainsi formé, se réunira le 15 Janvier suivant, date constitutionnelle de la réunion des Chambres, et à laquelle prendra fin le mandat des membres du Corps Législatif actuel. 

(B) Le Président de la République pourra, si l'intérêt de la Justice le commande, suspendre pour une période de six mois à partir du 15 Mai 1936, l'inamovibilité des Juges des Tribunaux.

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samedi 8 février 2014

Une belle victoire pour la démocratie en Haïti

Par Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com

Source: lenouvelliste.com, 6 février 2014


Nous sommes le 6 février. A la veille du 7 février, date symbolique car elle marque l’anniversaire du départ des Duvalier et le début d’une nouvelle ère dans l’histoire d’Haïti. Ce 6 février 2014 aussi est symbolique. Michel Martelly, président d’Haïti est reçu à la Maison-Blanche.
 
Ce n’est pas la portée personnelle de la présence de Michel Martelly qui fait sens, mais tous les symboles que cela charrie. Martelly n’était pas connu jusque dans un passé récent pour être un démocrate. Chaque jour, depuis qu’il est président, nombreux sont ceux qui continuent de douter de son attachement à cette forme de gouvernement.
 
Et pourtant, Martelly a respecté toutes les étapes pour être reçu par Barack Obama. Il s’est présenté aux élections, les a remportées. Sa victoire n’a jamais été contestée par la population, aucun de ses adversaires n’a jamais appelé à manifester pour renverser le résultat du scrutin qui lui a donné accès à la présidence. Son prédécesseur, d’un parti autre que le sien, lui a tranquillement passé l’écharpe présidentielle dans une belle cérémonie magnifiant l’alternance à la tête de l’Etat haïtien.
 
Martelly président a été tenté, a résisté, a même succombé, des fois, à la tentation de ne pas respecter les règles du jeu démocratique. A chaque fois, il a dû et il a su faire machine arrière. Cela lui en coûte, cela a coûté au pays. On a perdu du temps, jamais perdu le sens de la route sur le chemin de la démocratisation.
 
Sous son administration, le Parlement s’oppose souvent à ses choix, il se plie, de mauvaise manière, mais jamais ne passe en force. Des procès sont organisés, la justice est lente mais en marche. Des dossiers brûlants avec nos voisins s’empilent sur la table, ce n’est pas une première, mais cela étonne. Martelly fait face à une opposition, la presse se divise entre les pour et les tièdes, la société civile joue son rôle de vigie. Rien n’est parfait, rien n’est inquiétant.
 
Depuis le début de la visite du président haïtien à Washington, ses interlocuteurs américains font le constat que les choses avancent en Haïti, ils ne se trompent pas. Tous ils réclament que cela se poursuive et c’est ce message qui doit donner espoir à Haïti pour une fois qu’un président haïtien ne vient solliciter l’appui yankee après un putsch ou une catastrophe naturelle.
 
Ce 7 février, Haïti se réveillera avec un président démocratiquement élu qui a pris l’engagement devant Barack Obama de construire un Etat démocratique fort en Haïti. Le président américain a, lui, réaffirmé son soutien envers la démocratie, envers le leadership de Martelly et de son équipe et, surtout, son soutien envers Haïti.
 
Les Américains et nous c’est une longue histoire. Il n’y a pas de honte à le constater. Ils pèsent lourd, très lourd dans la balance. N’est-il pas temps d’en faire un atout, pas un boulet ?
 
Le président Michel Martelly reçu ce 6 février dans le bureau ovale n’a pas reçu de blanc seing, simplement l’encouragement de continuer à faire les efforts qu’il déploie pour l’avancement de la démocratie et le relèvement d’un pays plus ravagé qu’il ne l’était il y a cinq ans. Ce n’est pas un cadeau, c’est le minimum qu’un pays ami peut souhaiter à un peuple frère.
 
Ce 7 février ne boudons pas notre plaisir, le chemin est long, mais la direction bonne.
 
D’ailleurs, devant la Maison-Bblanche ce 6 février, un petit groupe de compatriotes ont bravé le froid pour gueuler leur insatisfaction et leur crainte. Martelly et ses supporteurs américains sont dans leur collimateur. La démocratie haïtienne est sous leur regard vigilant. Le sort du peuple haïtien n’a jamais laissé indifférent depuis plus de 50 ans que des Haïtiens manifestent aux USA contre les dérives de nos dirigeants. La quarantaine de manifestants, eux aussi, la grande Amérique scrute leur tactique comme il a décrypté l’attitude crispée du président Martelly assis comme un sage sur sa chaise aux côtés de Barack Obama.
 
Le poids de son nouvel engagement pèse-t-il lourd sur les épaules du président haïtien et pensait-il à ses partenaires dans le jeu démocratique ? Espérons-le.
 
Chacun dans son rôle, chacun à sa place, la démocratie haïtienne n’est pas morte avec tout ce qui s’est passé ce 6 février à la Maison-Blanche et autour du bâtiment. Tout au contraire.
 
Bon 7 février à tous.