mardi 23 décembre 2014

Haïti-crise pré-électorale/ Cinq candidats au poste de Premier ministre pour l'année électorale 2015-2016

Par Dr. Pierre Montès
Mise à jour, 26 décembre 2014 (**)

À la suite de la démission du Premier ministre Laurent Salvador Lamothe, le Président Michel Joseph Martelly entreprend des consultations pour parvenir à la désignation d'un nouveau Premier ministre pour la période devant couvrir la cinquième et dernière année de son mandat (2015-2016).

En attendant, il nomme la Ministre de la Santé publique du gouvernement démissionnaire, Dr. Florence Duperval Guillaume, au poste de Premier ministre a.i. pour une période de 30 jours, conformément à l'article 165 de la Constitution de 1987 amendée.

En même temps, la Présidence de la République réduit à 5 noms, une liste initiale de 12 noms, de candidats qu'elle propose aux forces politiques de toutes tendances pour occuper le poste de Premier ministre.

Le Coin de Pierre-Politique classe ces 5 candidats en deux catégories et par ordre alphabétique.

A) Les candidats rompus à la chose politique:
  1. Duly Brutus
  2. Evans Paul
B) Les candidats perçus comme étant plus technocrates que d'être des politiciens chevronnés:

     4.  Jude-Hervé Day
     5.  Charles Jean-Jacques
     6.  Wilson Laleau

Les trois derniers candidats Day, Jean-Jacques et Laleau reçoivent peu d'appuis dans l'opinion publique (lignes ouvertes, média sociaux, etc., à ce jour).

Les deux premiers candidats reçoivent un plus large appui et Evans Paul semble se détacher dans le peloton de tête et laisser en arrière Duly Brutus.

a) Candidats à la Présidence aux élections présidentielles de 2015-2016 .-

S'il s'agissait de candidats à la présidence, Le Coin de Pierre-Politique percevrait Evans Paul comme le meilleur choix pour la Présidence (2016-2021). Dès  Janvier 2014, LCDP-Politique percevait le militant politique de la KID comme le candidat potentiel à la Présidence qui puisse à la fois obtenir des appuis solides au sein d'une grande majorité de la population, et bénéficier de l'appui des pays amis d'Haïti. Bon, Paul (dit K-Plim) s'est retiré (heureusement selon LCDP-Politique) du MOPOD, groupe de partis d'opposition radicale (dit «Zoblod» par le chef du parti OPL, le Dr. Sauveur Pierre-Étienne, une autre figure de proue de la gauche qui pourrait lui aussi créer des surprises en 2015-2016, s'il ne s'agissait pas du cas d'Haïti (un «singulier petit pays»).

Evans Paul renoncerait-il à la candidature à la Présidence aux élections présidentielles de 2015-2016 pour accepter, si les parties en présence se mettent d'accord, le poste de Premier ministre pour la dernière année du régime Martelly ?

Duly Brutus a un parcours politique très intéressant, s'il ne s'agissait pas d'Haïti.
Politique et diplomatie confondues, Duly Brutus est sur la scène depuis plus de deux décennies.

Il est issu du parti socialiste PANPRA de Serges Gilles, ce qui peut-être considéré en soi comme un «premier diplôme» en matière de bonne politique active. Cependant, cette qualité pourrait lui nuire dans un pays comme Haïti où les paradoxes en politique sont nombreux (e.g., Anténor Firmin vs. Nord Alexis en 1902; Leslie Manigat vs. René Préval en 2005-2006; Mirlande Manigat vs. Michel Joseph Martelly en 2010-2011). Actuellement, le PANPRA fait partie de la Fusion des sociaux démocrates dirigée par l'ex-sénatrice Edmonde Supplice-Beauzile.

Duly Brutus a eu une expérience du Pouvoir législatif: il fut député du Limbé. Puis, il a eu amplement le temps de limer sa cervelle dans la diplomatie à Washington (représentant d'Haïti à l'OEA). Cette expérience à Washington peut être considérée comme un «deuxième diplôme» en matière de diplomatie dans l'antichambre du plus puissant pays du monde. Mais une telle expérience pourrait peut-être lui nuire aux yeux du peuple, à l'heure actuelle.

Une autre épine au pied de Duly Brutus est qu'il fut Ministre des affaires étrangères du gouvernement démissionnaire de Laurent Lamothe. Mais il maîtrise bien ses dossiers. (On suggère d'écouter son entrevue le mois dernier avec Valéry Numa,en tant qu'invité du jour de Vision 2000). Il a la sympathie de l'ex-Premier ministre Gérard Latortue (On suggère d'écouter une entrevue de Latortue sur Vision 2000 il y a peu; il était l'invité du jour de Valéry Numa).

Dans tout autre pays, la feuille de route de Duly Brutus lui ouvrirait  la voie vers la Primature,... ou la Présidence.

Vu sous les deux angles diplomatique et politique, avec des lunettes haïtiennes, Duly Brutus aurait peu de chance aux élections présidentielles. Et s'il devait se porter candidat à la présidence, il faudrait qu'il se trouve un autre parti pour le faire, la FUSION ayant déjà son candidat: Edmonde Supplice-Beauzile.

Aurait-il alors le flair politique d'accepter le poste de Premier ministre pour le reste du mandat de Michel Martelly (2015-2016), si ce choix était entériné par les forces politiques en présence ?

a) Candidats à la Primature de 2015-2016 .-

Dans la conjoncture actuelle, les deux candidats au poste de Premier ministre ayant une expérience en politique haïtienne des 20 à 30 dernières années, sont Evans Paul et Duly Brutus. Ils sont mieux placés que les trois autres candidats, l'ingénieur Jude-Hervé Day, ancien ministre de la Planification, les ministres démissionnaires Wilson Laleau (Commerce et industrie), Charles Jean-Jacques (Affaires sociales). Ces trois derniers candidats ont, chacun de leur côté,  la technicité nécessaire pour occuper le poste de Premier ministre. Mais il leur manque la triture politique dont le pays a besoin à ce carrefour difficile.

En conclusion, si aucun compromis politique n'est trouvé dans les trente jours du mandat du PM. a.i, le Président Martelly sera placé dans l'obligation de prolonger la durée du mandat du PM, a.i., Dr. Florence Duperval Guillaume, qui sera chargé de l'organisation des élections que le Président Martelly devra déclencher en deux temps Législatives et locales dans la première moitié de 2015, suivies des élections présidentielles à la fin de 2015 et au début de 2016. avec le même CEP, ou bien des élections générales fin 2015- début 2016.
Le Président Martelly et son PM a.i, ont quelques semaines pour faire accepter ce choix (*).

Cette analyse sera mise à jour au fur et à mesure que la situation évoluera particulièrement vers la mi-janvier 2015.
Au moment d'écrire cette analyse, deux grandes inconnues dont le poids est considérable dans le système d'équations politiques (donc non-linéaires) de la politique haïtienne: une variable politique que contrôle l'opposition en manipulant la Rue;  une variable géopolitique contrôlée  par les pays amis d'Haïti qui donnent pleinement leur appui au Président Martelly jusqu'à ce jour.

Psychologiquement, l'année 2015, quand on la rapproche de l'année 1915, ne serait pas une bonne année pour organiser des élections en Haïti.

Faudrait-il alors attendre l'année 2016, après les cinq (5) ans du Pouvoir Martelly, pour organiser des élections générales et consacrer l'année 2015 à vider les querelles séculaires des fils de Pétion (qui se voient plutôt comme les fils de Charlotin Marcadieu (cf. Charlito Baker)) et des fils de Dessalines dans l'esprit du Rapport de la commission présidentielle consultative ?

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(*) Cela me fait penser à la pièce de théâtre «J'y suis j'y reste», jouée à Port-au-Prince à la fin des années 1970 (acteurs, Denise Pétrus-Dupont, Lionel Benjamin, Georges Michel, Paulette Poujol- Oriol, etc.).
(**) Nous venons d'apprendre (26 décembre) que le Président a fait son choix: c'est Evans Paul qu'il a désigné comme son futur premier ministre.

mercredi 10 décembre 2014

Haïti/ Les Recommandations de la Commission Consultative au Président Michel Joseph Martelly

Dernière mise à jour, 20 décembre 2014




La commission consultative a remis son rapport [*] hier, 9 décembre 2014.

Le Coin de Pierre - politique le reproduit ci-après.

***

RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION CONSULTATIVE

Sommaire

Contexte général

A. Les constats

B. Cadre de résolution de la crise

1. Nature de la crise et de la solution

2. Objectif général

3. Objectifs spécifiques

4. Délai de mise en oeuvre

C. La solution proposée

1. Les mesures d’apaisement

2. Les mesures conjoncturelles

3. Les mesures structurelles

4. Des sacrifices patriotiques


5. Calendrier d’exécution


PRÉAMBULE

Les quatre éléments suivants constituent du cadre du présent document :

  • L’arrêté présidentiel en date du 28 Novembre 2014 portant création de la «Commission consultative».
  • La mission et le mandat confiés à cette Commission Consultative sont : «d’identifier la solution la plus crédible aux yeux de la nation, en vue d’une sortie de crise».
  • Les résultats des consultations menées par le Président de la République avec les différents secteurs de la vie nationale entre le 22 septembre et le 24 novembre 2014 constituent la principale base de travail de la Commission.
  • Les travaux effectués par la Commission entre le 1e  et 8 décembre 2014.


A. LES CONSTATS DE LA COMMISSION
  1. Le non‐renouvellement du personnel politique du corps législatif et des collectivités territoriales dans les délais prévus par la constitution a conduit à un fonctionnement boiteux des institutions de l’Etat au cours des deux dernières années.
  2. Le report des élections initialement prévues en octobre 2014 fait planer le spectre d’un dysfonctionnement du Parlement à compter du 12 Janvier 2015.
  3. La perte de légitimité et de crédibilité du Conseil Supérieur du Pouvoir Judicaire (CSPJ) suite aux contestations de la procédure de nomination de certains juges à la Cour de Cassation, dont le Président.
  4. La dénonciation par les partis politiques de l’opposition et les organisations des droits humains de la détention arbitraire de nombreux citoyens assimilés à des « prisonniers politiques ».
  5. La dégradation des conditions de vie des couches défavorisées accentuée au cours des derniers jours par une dépréciation de la monnaie nationale.
  6. L’intensification et l’amplification des manifestations de rue témoignent d’un mécontentement grandissant au sein de la population.
  7. De l’avis de plusieurs secteurs intéressés par la question électorale, la non‐tenue des élections en octobre 2014 entraîne la caducité du CEP actuel.
  8. La mise en place de cartels d’agents exécutifs intérimaires et la nomination de juges partisans, sont assimilées à une mainmise de l’Exécutif sur l’appareil judiciaire et les collectivités territoriales dans la perspective des prochaines élections.
  9. La perception d’une politisation de la Police Nationale d’Haiti (PNH) suscite de la méfiance et des doutes sur la possibilité de tenir dans le pays des élections démocratiques, libres, honnêtes et inclusives.
  10. Le Premier Ministre a exprimé à la commission sa volonté de contribuer au dénouement de la crise préélectorale actuelle en démissionnant de son poste sur demande expresse du Chef de l’état.
  11. La crise préélectorale actuelle a des connotations à la fois conjoncturelle et structurelle. Une solution pour être durable doit toucher de façon simultanée les aspects conjoncturels et les aspects structurels.



B. CADRE DE RÉSOLUTION DE LA CRISE

1. Nature de la crise et nature de la solution

Le pays fait face à une crise de nature conjoncturelle et structurelle. Chaque groupe a tendance à privilégier la solution (conjoncturelle ou structurelle) conforme à ses intérêts particuliers.

La pratique du non‐respect de la parole donnée par les uns et les autres depuis des décennies a
contribué à créer un climat de méfiance presque généralisé au sein de la population et des forces politiques en présence. Ce qui rend ardu et difficile la recherche de consensus autour de l’intérêt général.

Pour avoir les meilleures chances de succès, la solution proposée doit être rationnelle, applicable et acceptable par les différents secteurs du pays en tenant compte de la nécessaire collaboration entre les trois (3) pouvoirs de l’État. « La solution la plus crédible aux yeux de la nation » doit être celle qui donne la stabilité aux trois (3) pouvoirs de l’État pour assurer la paix sociale et servir le peuple haïtien

2. Objectif général

A la lumière des constats susmentionnés , la Commission croit que, pour éviter une aggravation de la situation actuelle, « la solution la plus crédible pour la sortie de crise » doit permettre un retour, dans un délai raisonnable, à la normalité constitutionnelle et au bon fonctionnement des institutions démocratiques et républicaines.

3. Objectifs spécifiques

Les objectifs spécifiques de la solution proposée par la commission sont de :

a) Établir un dialogue permanent entre les trois(3) pouvoirs de l’État, particulièrement entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

b)      Permettre un compromis historique entre les forces politiques qui privilégient les élections comme moyens de conquête du pouvoir.

c)       Former un gouvernement de consensus avec les composantes politiques, particulièrement celles représentées au parlement.

d)      Créer un climat favorable pour la tenue d’élections inclusives, crédibles et sincères.

e)      Rétablir la confiance des citoyens dans les instances judiciaires et dans l’institution policière.

4. Délai de mise en œuvre de la solution proposée

La dégradation de l’environnement politico‐social exige plusieurs mesures d’apaisement et de
redressement avant les fêtes de Noël. Il est donc impératif de trouver un compromis politique avant la date du 12 janvier 2015.


C. LA SOLUTION PROPOSÉE

Fort de toutes ces considérations, la Commission a identifié une solution comme étant « la plus crédible aux yeux de la nation ». Elle prend appui sur ce principe émané de notre culture et de notre sagesse populaire: « boukannen tann bouyi ».

La solution se présente sous la forme du plan et du calendrier suivants et s’articule autour de mesures d’apaisement, de mesures conjoncturelles, de mesures structurelles et de sacrifices patriotiques. Ces quatre (4) éléments constituent un tout.


1. Mesures d’apaisement

Les mesures d’apaisement ont pour but de démontrer la volonté des trois (3) pouvoirs de l’état de réduire les tensions qui aujourd’hui divisent la nation. Elles comprennent :

a)      La libération immédiate, à travers le pays, des « prisonniers politiques » qui n’ont pas été, à date, déférés devant leur juge naturel et un arrêté de grâce en faveur de tous ceux qui sont déjà engagés dans une instance judiciaire.

b)      La démission du Premier Ministre et de son gouvernement. Cette démission ouvre la voie au Président de la République pour engager les négociations en vue de la désignation, au plus vite, d’un Nouveau Premier Ministre et la formation d’un gouvernement de Consensus.

c)       La démission du Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ).

d)      La démission des membres du Conseil Électoral Provisoire (CEP). Ce geste patriotique devrait permettre la formation d’un nouveau CEP.

e)      L’adoption d’une trêve par les différentes composantes politiques, permettant ainsi de créer le climat de dialogue.

f)       L’organisation d’une rencontre entre le Président de la République et les Présidents des deux chambres dans le cadre de l’appréciation et la mise en œuvre de la présente solution.


2. Mesures conjoncturelles

Les mesures conjoncturelles ont pour but de permettre le rétablissement du bon fonctionnement des pouvoirs de l’État. Elles comprennent :

a.       La nomination du premier ministre et la formation du gouvernement de consensus, issues de négociations entre le Président de la République et les composantes politiques, notamment celles de l’opposition.

b.      La convocation de la Chambre des Députés en session extraordinaire portant sur un agenda précis, comprenant entre autres : le vote des amendements à la loi électorale de 2013 et l’adoption de la déclaration de politique générale du nouveau gouvernement.

c.       Un accord politique pour réaliser de bonnes élections inclusives et harmoniser le temps électoral au temps constitutionnel.

d.      La mise en place du Conseil Électoral Provisoire (CEP) selon l’esprit de l’article 289 de la Constitution de 1987 et ayant pour mission d’organiser au plus tôt les élections législatives et des collectivités territoriales, et les élections présidentielles, le dernier dimanche du mois d’Octobre 2015. Cette démarche a pour objectif de rétablir le fonctionnement des institutions démocratiques.


3. Mesures structurelles :

Les mesures structurelles ont pour objectif de renverser les barrières qui constituent depuis plus de Vingt Cinq (25) ans un obstacle à la stabilité et à la gouvernabilité du pays. Elles seront menées par le Gouvernement de Consensus. Elles comprennent :

a)      La convocation des États Généraux de la Nation afin d’établir un Pacte National Patriotique qui devrait inclure :
i)                    Un protocole de bonne gouvernance portant sur la rationalisation de la gestion publique et la moralisation du fonctionnement des institutions publiques.
ii)                   Un protocole de croissance et de compétitivité en vue de la création d’emplois durables, la promotion et la protection de la production nationale et la réduction de la pauvreté;
iii)                 Un protocole de révision Constitutionnelle qui devra définir le cadre dans lequel pourront s’opérer des amendements de la constitution. En aucun cas, le Président en exercice ne pourra bénéficier de ces éventuels amendements.

b)      Les réformes nécessaires au niveau de l’appareil judiciaire pour rétablir la confiance de tous les citoyens dans le système. Ces réformes passent obligatoirement par la reconstitution du CSPJ et la mise en place d’un processus d’évaluation non partisan des juges du système judiciaire.

c)       Le renforcement de la Cour Supérieure des Comptes dans sa mission de contrôle et de vérification des institutions publiques.

Les mesures structurelles ne pourront être implémentées qu’après la mise en place des mesures conjoncturelles.



4. Des sacrifices patriotiques

L’application de cette solution exige de tous les acteurs des sacrifices, permettant un résultat gagnant-gagnant. Il ne doit y avoir ni vainqueurs ni vaincus, mais plutôt un engagement de tous les citoyens.

Du Président de la République : Reconnaître que le pays connait une situation grave qui réclame un acte de grandeur patriotique en invitant même ses adversaires politiques à intégrer le pouvoir exécutif et en s’engageant formellement à ne prendre aucun décret‐loi, sauf ceux qui seraient liés aux élections durant la période de vide parlementaire.

Du Premier Ministre : Comprendre qu’aujourd’hui sa démission constitue un élément essentiel dans la recherche de l’apaisement.

Des Sénateurs et des Députés: Voter la loi électorale amendée de 2013 ainsi que la déclaration de politique générale du Gouvernement de Consensus, issu des négociations politiques, sitôt la convocation en session extraordinaire.

Du Président du CSPJ : Faire un geste patriotique en offrant sa démission au Président de la République pour faciliter le dénouement de la crise.

Des Conseillers Électoraux : En dépit de leur bonne volonté, participer au dénouement de la crise en offrant leur démission.

Des Responsables de Partis politiques: Respecter la légitimité constitutionnelle du Président de la République; S’engager à accepter la présente solution en répondant à l’invitation du Président de la République pour une négociation dans la sérénité et le respect mutuel et sans préalables ni conditions additionnelles autres que celles contenues dans le présent document.

Du Peuple Haïtien: Reconnaître que l’heure est grave et que tout un chacun doit apporter sa
contribution à l’édification d’une société plus juste et plus équitable; Reconnaître que la liberté des uns passe par le respect des autres; Accepter que seule une solution issue d’un dialogue par des Haïtiens, pour des Haïtiens et avec des Haïtiens apportera la réduction de la pauvreté dans le respect des libertés individuelles acquises déjà au prix d’énormes sacrifices.


5. Calendrier de mise en oeuvre de la solution

11 17 décembre 2014

  • La Commission remet son rapport au Président de la République
  • Démission du Premier Ministre et du Président du CSPJ
  • Consultation du Président de la République avec les deux présidents de Chambres sur la désignation d’un nouveau Premier Ministre
  • Rencontre du Président de la République avec les partis politiques représentés au Parlement.
  • Démarrage des négociations entre le Président de la République et les composantes politiques
  • Nomination d’un nouveau Premier ministre
  • Convocation de la Chambre des Députés à l’extraordinaire



1724 décembre 2014

  • Signature du pacte de consensus entre le Président et les partis politiques
  • Démission du CEP
  • Consultation sur la mise en place d’un nouveau CEP
  • Vote de confiance de la politique générale
  • Installation des Ministres du gouvernement de consensus
  • Vote des amendements à la loi électorale par le Sénat et transmission à la chambre basse
  • Ratification des Ambassadeurs par le Sénat
  • Adoption et publication de la loi électorale
  • Nomination du Conseil Electoral Provisoire

12 janvier 2015
   
  • Déclaration du Chef de l’État sur la nécessité d’organiser les États Généraux de la Nation.
  • Organisation d’un service religieux sous les auspices de Religions pour la Paix Haïti.

7 février 2015
        
  • Mise en branle des États Généraux de la Nation par le gouvernement de consensus.



Fait à Port au Prince, le 8 Décembre 2014


Odette Roy-Fombrun ____________________________

Me Gérard Gourgue _____________________________

Mgr Patrick Aris  _______________________________

Mgr Ogé Beauvoir ______________________________

Pasteur Chavannes Jeune ________________________

Paul Loulou Chéry ______________________________

Charles Suffrard ________________________________

Gabriel Fortuné  ________________________________

Rony Mondestin ________________________________

Evans Paul ____________________________________

Réginald Boulos ________________________________



FIN DU TEXTE

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[*] Le rapport est aussi disponible ailleurs. Cliquez sur l'un ou l'autre des deux liens suivants:







lundi 27 octobre 2014

Brésil/ Dilma Rousseff élue au second tour pour un deuxième mandat

Par Dr. Pierre Montès

Voici comment le vote s'est exprimé aux élections présidentielles au Brésil en octobre 2014.


Premier tour - 5 octobre 2014

Dilma Rousseff est classée 1ère avec 41,48 % des voix.
Aecio Neves arrive en 2e position avec 33,68 % des voix.
Marina Silva arrive en 3e position et n'obtient que 21,29 % des voix.
Les deux premiers candidats Rousseff et Neves s'affronteront au second tour le 26 octobre 2014.


Deuxième tour - 26 octobre 2014

Dilma Rousseff est élue Présidente du Brésil au second tour avec 51,64 % des voix.
Le candidat Aecio Neves obtient 48,36 % des voix.

Résultat serré dit-on avec raison.

Que vaut le coefficient alpha défini sur LCDP-Politique en 2011 ([1], [2]) ?
 
Pour Dilma Rousseff, alpha = 0,4090:
41,48 % + (0,4090)*[100 - (41,48 + 33,68)] = 51,64 %

Pour Aecio Neves, alpha = 1 - 0,4090 = 0,5910:
33,68 % + (1-0,4090)*[100 - (41,48 + 33,68)] = 48,36 %

____________________________
[1] http://jfjpm-politique.blogspot.ca/2011/04/haiti-elections-2010-2011-mirlande.html
[2] http://jfjpm-politique.blogspot.ca/2012/05/france-neuf-elections-presidentielles.html

lundi 13 octobre 2014

Haïti / Comment sortir de la crise pré-électorale créée par le groupe des six sénateurs

Par Dr. Pierre Montès

Il y a plusieurs propositions de sortie de crise sur la table.
Il y a celle de l'OPL, celle du notaire Jean-Henri Céant, celle du journaliste Daly Valet, et tant d'autres.

Pour sortir de la crise, il ne faudrait pas gaspiller son temps, ni courir par quatre chemins. Il faudrait aller au cœur du problème, c'est-à-dire:

  1. La mise sur pied d'une Direction Générale des Élections (DGE en lieu et place du CEP actuel).
  2. La rédaction d'un Décret Électoral universel, c'est-à-dire, applicable à toutes les élections dans le pays.

Il faudrait trouver un accord politique «largement large» pour monter maintenant cette Direction Générale des Élections et rédiger maintenant ce Décret Électoral universel pour l'organisation de toutes les élections en Haïti à compter du début de 2015.

La DGE ne serait affublée d'aucune épithète (ni «provisoire», ni «permanente»). Cependant l'accord politique, ci-dessus mentionné, devrait fixer la durée du mandat de cette DGE à dix (10) ans au moins.

La DGE serait chargée d'organiser en toute indépendance, toutes les élections devant avoir lieu dans le pays (élections sénatoriales, élections des députés, élections municipales, élections présidentielles, élections générales ou partielles, etc.).

La DGE serait apolitique. Ses membres ne devraient être identifiés à aucuns secteurs et seraient inamovibles, comme le sont les juges. Une fois nommée, la DGE ne relèverait ni du Pouvoir Exécutif, ni du Pouvoir Législatif. Les membres de la DGE prêteraient serment devant le CSPJ (Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire).

L'Éxécutif n'aurait d'autres rôles vis-à-vis de la DGE que de déclencher les élections de différents ordres aux dates prévues (ou convenues) et d'insérer dans les lois budgétaires futures les crédits nécessaires pour l'organisation des élections. L'Éxécutif n'interviendrait pas dans l'organisation des élections ni directement, ni indirectement.

Il faudrait que la DGE  soit tenue de proclamer les résultats de toutes élections dans un délai ne dépassant pas un maximum de 7 jours francs suivant le jour de la tenue d'un scrutin.

Voilà. L'idée est lancée. Elle ne m'appartient plus.

samedi 20 septembre 2014

Haïti / L'emprunt en 1825 de 30 millions de francs sur le marché des obligations à la Bourse de Paris et son remboursement

Par Dr. Pierre Montès


Pour verser le premier cinquième de l’indemnité de 150 millions de francs imposée par la France, Haïti emprunta à la fin de 1825 sur le marché des obligations à la Bourse de Paris 30 millions de francs à 80%. Cet emprunt (capital et intérêts) fut remboursé de 1826 à 1893. Le présent article résume un peu l’histoire de cet emprunt et de son remboursement.
 
L’Ordonnance du 17 avril 1825
L’article 2 de l’ordonnance de 1825 [1]  fixait à 150 millions de francs le montant de l’indemnité à verser par Haïti pour dédommager les anciens colons qui ont été privés de la jouissance du leurs propriétés  à Saint-Domingue depuis la guerre contre la France (1791-1803). Cette somme, selon la France, représentait 10% de la valeur des biens des colons en 1789 [2]. L’article 2 de l’Ordonnance fixait aussi le mode de paiement de l’indemnité.
Le paiement du premier cinquième de l’indemnité devait s’effectuer le ou avant le 31 décembre 1825. Le paiement complet devait s’échelonner sur 5 ans. Le taux d’intérêt était nul. Les versements demandés étaient égaux; ils s’élevaient donc à 30 millions de francs par an.
Comment Haïti obtint-elle 24 des 30 millions de francs du premier cinquième de l’indemnité ?
Le Président Boyer envoya en France trois commissaires : le sénateur Daumec (qui mourut en France au cours de sa mission), le sénateur Rouanez et le colonel Frémont. Ils avaient pour mandat:  
  • de contracter sur le marché financier en France un emprunt de 30 millions de francs pour payer le premier cinquième de l’indemnité qui arrivait à échéance le 31 décembre 1825;
  • de conclure un traité commercial avec la France en vue de lever les ambiguïtés de l’ordonnance de Charles X.
Ils partirent à bord de la frégate ‘’La Circé ’’du baron de Mackau qui était venu remettre l’Ordonnance de Charles X au Président Boyer. Le Président haïtien remit au baron de Mackau une lettre manuscrite adressée au Roi de France dans laquelle il demandait formellement une réduction du montant de l’indemnité [3].
L.- G. Ternaux [4] avait préparé en octobre 1825, pour le Duc de La Rochefoucault Liancourt, un document qui vantait de manière surréaliste les capacités de payer du nouvel État d’Haïti s’il contractait des emprunts sur le marché financier en France. Ce document fut communiqué au public de l’époque pour les convaincre d’investir dans les obligations de l’emprunt d’Haïti. Les journaux de l'époque relayaient le contenu du rapport de Ternaux.
Au début d’octobre 1825, la banque Ternaux et Gandolphe prépara les documents relatifs à un emprunt projeté pour Haïti d’une somme de 30 millions de francs remboursable en 25 ans. Un appel d’offre fut lancé dans le but de trouver une banque (ou un groupe de banquiers) qui offrirait à Haïti le montant le plus élevé pour l’achat de 30 000 obligations de valeur nominale 1000 francs chacune.
L’emprunt devait donc être vendu par adjudication à un groupe de banquiers qui offrirait les meilleures conditions à Haïti. Dans ce genre d’opérations, le groupe de banquiers offrirait de verser à Haïti un montant inférieur à 1000 francs par obligation, mais son offre devrait être la plus proche possible de la valeur nominale de 1000 francs.
Le groupe de banquiers qui remportait l’adjudication devait verser immédiatement à Haïti le montant correspondant à son offre. Il devait ensuite se rembourser en vendant sur le marché de la Bourse de Paris les 30 000 obligations émises à un prix supérieur au prix consenti à Haïti pour pouvoir faire un profit.
Les obligations de 1000 francs rapporteraient aux porteurs des intérêts simples de 6% par an. À l’époque, le taux légal en France était de 5% ou moins; en matière commercial, il ne devait pas dépasser 6% [5].
Les 30 000 obligations d'Haïti étaient réparties en 25 séries (de A jusqu’à Z, excluant W); chaque série était numérotée de 1 à 1200.
[N.B. : 25 x 1200 = 30 000 obligations;  30 000 obligations x 1000 francs = 30 000 000 francs]
Le capital de 30 000 000 de francs était remboursable par Haïti en 25 ans  par tranches de 1/25e par année par un tirage au sort d’une série de 1200 obligations du 1er janvier 1827 au 1er janvier 1851.
L’image suivante est la copie d’une obligation de l’emprunt d’Haïti en 1825.




Source: Lepelletier de Saint-Rémy [11], p. 121



 
L’adjudication de l’emprunt d’Haïti [6, 7, 8] s’est déroulée à Paris le 3 novembre 1825. Deux groupes de banquiers soumissionnèrent: le premier groupe comprenait MM. Delessert et compagnie  et Casimir Perrier; l’autre,  MM. André et Cottier, Jacques Lefebvre, Mallet et frères et Pillet-Will.  Un troisième groupe intéressé comprenait MM. Jacques Laffitte et compagnie, le syndicat des receveurs généraux, MM.  Rothschild frères, Ardoin Hubbard, Jonas Hagerman, Blanc Colin et compagnie, César de la Panouze, Paravey et compagnie.  Ce troisième groupe n’a pas voulu soumissionner, car il n’acceptait pas de procéder par soumission secrète et il préférait des enchères publiques à la criée.
En milieu de journée du 3 novembre, les deux premiers groupes de banquiers sans se concerter proposèrent 760 francs par obligation d'Haïti de valeur nominale 1000 francs. Mais le minimum secret fixé par les commissaires haïtiens étant de 900 francs, l’adjudication fut donc annulée.
C’est à ce moment qu’intervint le troisième groupe, celui de Jacques Laffitte qui accepta de négocier avec les commissaires haïtiens à condition de ne pas avoir de concurrents. Il proposa 770 francs.  Les commissaires haïtiens abaissèrent alors leur minimum à 850 francs.  Laffitte proposa alors 780 francs sous la condition que son groupe pût organiser l’emprunt comme il l’entendait. Frémont et Rouanez, après avoir consulté Daumec qui était alité, acceptèrent les conditions de Laffitte et déclarèrent que leur minimum final était de 800 francs. Laffitte proposa alors 790 francs.  C’était au lieu de l’après-midi. La négociation fut suspendue.
L’agent de change, Maurenq, chargé de certifier l’opération pour la Bourse de Paris  tenta de rapprocher les parties. De sa propre initiative, il se rendit chez Laffitte pour lui demander de poursuivre la négociation; puis il contacta Rouanez qui accepta de continuer la discussion.  Laffitte et son groupe proposèrent alors 790,50 francs, mais les commissaires haïtiens maintinrent leur minimum à 800 francs. Maurenq suggéra alors fortement à Rothschild d’accepter 800 francs. Ce dernier n’accepta pas tout de suite; il alla discuter avec Laffitte et leurs discussions se prolongea jusqu’à minuit et, à ce moment-là, le groupe Laffitte accepta d’acheter l’emprunt d’Haïti à 800 francs. Maurenq se rendit alors chez Frémont et Rouanez pour leur communiquer la bonne nouvelle [6, 7].
Quelques jours après, les obligations d’Haïti de 1000 francs furent cotées à la Bourse de Paris à 840 francs [8]. Voici ce que fut la cote des obligations de l’emprunt d’Haïti à quelques dates  entre 1826 et 1848 à la Bourse de Paris [7, 11] :
a)      27 septembre 1826 : 660 francs
b)      14 septembre 1827 : 700
c)      19 septembre 1828 : 640
d)      13 mai 1829              : 450
e)      15 octobre 1829       : 345
f)         2 juin 1830               : 530
g)        7 janvier 1831         : 320
h)      21 décembre 1832   : 220
i)        24 juin 1833              : 260
j)        mars 1845                 : 425
k)       1846                          : 360
l)          3 août 1848            : 195
 
Pour avancer à Haïti les 24 millions de francs, soit les 80% des 30 millions de francs en obligations qu’Haïti allait devoir rembourser en 25 ans avec des intérêts de 6% par année, voici comment le groupe Laffitte s’y était pris. Il emprunta 20 millions de francs de la Caisse des dépôts et consignations à un taux d’intérêt de 3%; il ajouta à cette somme 4 millions de francs provenant des fonds propres du groupe; le tout, soit 24 millions de francs, fut versé à la Caisse des dépôts et consignations en faveur d’Haïti le 31 décembre 1825 [7].
 
Étant donné qu’Haïti n’avait reçu que 24 millions et devrait rembourser 30 millions à 6%, le taux d’intérêt réel qui s’appliquait sur le montant effectivement reçu était plutôt de 7,5% (7,5% de 24 millions de francs est une somme équivalente à 6% de 30 millions de francs, soit 1,8 millions de francs d’intérêts qui seraient dus à la fin de 1826).
Pour pouvoir verser à la Caisse des dépôts et consignations l’intégralité des 30 millions de francs représentant le 1er cinquième du montant initial de l’indemnité, Haïti aurait pu négocier la mise en circulation de 37 500 obligations (au lieu de 30 000) de valeur nominale 1000 francs que le groupe Laffitte aurait (peut-être) achetées à 800 francs. Une telle opération aurait donc donné un total de 30 millions de francs (au lieu de 24 millions) à verser à la Caisse des dépôts et consignations. Mais les instructions du Président Boyer aux commissaires limitaient formellement l'emprunt à contracter à un maximum de 30 millions de francs. 
 
À la fin de 1825, Haïti devait 126 000 000 francs en indemnité aux anciens colons et 30 000 000 de francs aux obligataires de l’emprunt (total 156 000 000 de francs).  C’est ce qu’il a été convenu d’appeler «la double dette».       
[N.B. Des  6 millions manquants sur les 30 millions représentant le 1er cinquième de l’indemnité, Haïti n’avait pu réunir et verser en 1826 que 5,3 millions de francs provenant d’une somme d’un million de piastres fortes provenant du Trésor public haïtien transportée en France par bateau et convertie en francs [9]. Il lui manquait donc la somme de  700 000 francs pour compléter le paiement du premier cinquième de la dette de 150 millions de francs. Ce ne fut qu’entre 1838 et 1840 qu’Haïti allait finir par compléter le paiement du premier cinquième de l’indemnité  à la Caisse des dépôts et consignation de France dû depuis la fin de 1825 [9].]
 
Comment théoriquement aurait dû être remboursée la double dette ?
 En 1826, Haïti devait donc 120 700 000 francs d’indemnité aux anciens colons français et 30 000 000 francs en obligations.
L’indemnité ne comportait pas de paiement d’intérêts si les versements étaient faits sans retard.
Si l’on se replace en 1826, et si Haïti ne contractait aucuns nouveaux emprunts, voici comment le remboursement de la double dette aurait dû se poursuivre :
a)         Le solde de 120 700 000 de francs de l’indemnité aux anciens colons
  1. Le solde de 700 000 francs restant du 1er cinquième aurait dû être payé dès la fin 1825.
  2. Le 2e cinquième, 30 millions de francs, aurait dû être payé le 31 décembre 1826.
  3. Le 3e cinquième, 30 millions de francs, aurait dû être payé le 31 décembre 1827.
  4. Le 4e cinquième, 30 millions de francs, aurait dû être payé le 31 décembre 1828.
  5. Le 5e cinquième, 30 millions de francs, aurait dû être payé le 31 décembre 1829.
b)         Les obligations de l’emprunt de 30 000 000 de francs
Haïti aurait dû verser le 1er janvier de chaque année (de 1827 à 1851) un vingt-cinquième du capital  de 30 millions de francs, soit la somme de 1 200 000  francs,  pour l’amortir en 25 ans.  Elle aurait dû également payer des intérêts annuels de 6% sur le solde du capital dû durant cette période de 25 ans.
Ainsi, du 1er janvier 1827 au 1er janvier 1851, Haïti aurait dû verser un total de 53 400 000 francs au banquier Laffitte (amortissement de l’emprunt : 30 millions, intérêts cumulés : 23 400 000 francs).
Dans les faits, l’emprunt sur le marché des obligations ne fut remboursé que sur une période allant de 1826 à 1893. Quant à l’indemnité aux anciens colons, elle fut réduite de 150 à 90 millions en 1838 et son paiement s'étendit sur une période allant de 1825 à 1878.
Pour un aperçu de l’histoire du paiement de l’indemnité, le lecteur pourra consulter l’article publié précédemment sur LCDP-Politique le 19 août 2014 [10].
 
L’histoire des obligations de l’emprunt de 30 millions de francs entre 1826 et 1838
 À la fin de 1826, il n’était pas possible pour Haïti de verser à la Caisse des dépôts et consignations le 2e cinquième de l’indemnité (30 millions de francs).
Le 1er janvier 1827, Haïti n’avait pas pu verser non plus la première annuité de 3 000 000 de francs de l’emprunt à la banque Laffitte (paiement de 1 200 000 francs d’amortissement et de 1 800 000 francs d’intérêts). Aucun versement n’a pu être fait par Haïti durant l’année 1827, ni le 1er janvier 1828,  ni durant l’année 1828. Haïti était dans l’incapacité de payer.
Pour garder la confiance des obligataires, ces derniers devaient ignorer le fait qu’Haïti ne pouvait pas momentanément payer. Cependant on ne réussit à maintenir la valeur des obligations d'Haïti qu'entre 600 et 700 francs sur le marché de la Bourse de Paris entre 1826 et 1828. 
 Ainsi, pour venir à la rescousse d’Haïti dont les versements à la banque Laffitte se faisaient attendre, le  Trésor public français (TPF) versa (ou cautionna) pour Haïti à la banque Laffitte des sommes totalisant  4 848 905 francs [11] pour payer aux obligataires de l’emprunt les deux premières annuités et les intérêts de l’emprunt d’Haïti qui s’élevaient en tout à 5 928 000 francs. On peut alors inférer qu’Haïti n’aurait versé à la banque Laffitte, en 1827, qu’une somme de 1 079 905 francs pour compléter la somme avancée par le TPF. La somme de 4 848 905 francs avancée par le TPF fut remboursée par Haïti au TPF en 1835. Les circonstances entourant ce versement ou cette caution ont été débattues à l’occasion du dépôt du rapport de la commission des comptes de la Chambre des députés de France le 13 février 1833 [12].    
En 1827-1828, 2 400 obligations de 1000 francs (séries A et J) ont donc été remboursées aux obligataires par la banque Laffitte; il en restait donc 27 600 en circulation.
Le Président Boyer, tenta sans relâche entre 1826 et 1838 d’obtenir de meilleures conditions tant pour le paiement de l’indemnité aux anciens colons que pour celui des obligations de l’emprunt.  
Dès 1828, les obligataires avaient su qu’Haïti avait de la difficulté de payer. Et dès lors, la valeur des obligations de l’emprunt de 1825 s’était mise à dégringoler sur le marché boursier, passant d’environ 640 francs en 1828 à aussi bas que 220 francs en 1832.
Un certain nombre de porteurs de ces obligations les ont donc revendues à perte sur le marché financier. Et, lorsqu’en 1835 Haïti fit passer la loi sur le paiement des droits d’importation  en monnaies étrangères, des négociants proposèrent au Président Boyer, qui accepta, de payer une portion de ces droits en obligations de l’emprunt à 500 francs chacune (au lieu de 1000). On évalue à 9 987 le nombre total d’obligations que le Président Boyer put ainsi retirer du marché entre 1828 et 1838 (il y en eut d’autres par la suite pendant un certain temps). Dans l’opinion publique, il se disait, en France, que la République d’Haïti était de mauvaise foi  [11, 13].
Donc, au début de 1839, il ne restait que 17 613 obligations seulement en circulation.  
Les documents relatifs à l’indemnité et à l’emprunt permettent d’inférer qu’entre le Président Boyer et le banquier Laffitte, il s’était vite développé un lien de confiance mutuelle. Il convient de souligner ici que le banquier Jacques Laffitte était connu en France pour sa grande honnêteté et sa légendaire générosité. Il ne fait aucun doute pour moi que Jacques Laffitte a permis au Président Boyer d'identifier les moyens à prendre pour qu'Haïti ne soit pas complètement écrasée sous le poids de la double dette. 
 
 
 
Source photo : Thomas Madiou [3], p. 341
 
 
 



Jacques Laffitte, banquier
 
 
 


L’histoire des obligations de l’emprunt de 30 millions de francs en 1838 - 1839


Les arrangements pris par Haïti avec les porteurs d’obligations restant en circulation (environ 17 613 en 1839)


 
 
Monsieur Laffitte, un homme pragmatique et honnête, voulait limiter les dégâts en proposant une solution où Haïti, les porteurs d’obligations et sa banque allaient y gagner.
Selon Beaubrun Ardouin, M. Laffitte écrivit au Président Boyer pour lui dire a)  qu’étant lui-même porteur d’obligations de l’emprunt d’Haïti, il avait la conviction qu’une majorité de prêteurs accepterait un mode de libération de leurs obligations qui devrait être avantageux pour Haïti; b) que l’emprunt serait rapidement éteint si le Président acceptait de remettre un million de francs annuellement à la banque Laffitte pour payer les intérêts et le capital.
Les négociateurs français du Traité de 1838 qui eurent vent du projet de Laffitte et voulant lui nuire (et défendre à tout prix les intérêts de la France au détriment de ceux d’Haïti) tentèrent d’influencer le Président Boyer et de le porter à faire déposer de préférence à la Banque de France les sommes destinées au paiement de l’emprunt.
 Les plénipotentiaires haïtiens (Inginac en tête) firent comprendre aux négociateurs français que les questions concernant l’emprunt seraient discutées avec la banque Laffitte comme étant une affaire privée.
Cette décision par Haïti de s’entendre avec le banquier Laffitte pour négocier avec les porteurs d’obligations en France se révélera moins lourde financièrement pour Haïti que si elle déposait les paiements à la Banque de France et confiait au gouvernement français la répartition de ces fonds aux porteurs d’obligations. Inginac a eu raison de dire au baron de Las Cases : «La République aimera mieux courir le risque d’une faillite dans une banque particulière. [13] »
En combinant les informations contenues dans Beaubrun Ardouin [13], Lepelletier de Saint-Rémy [11], Thomas Madiou [14], des documents émanant de la Caisse des dépôts et consignations (publiés dans les Archives parlementaires, dans les Annales du Sénat, dans le Journal officiel de la république française, dans le Journal des Débats politiques et littéraires, etc. ), et des documents officiels émanant des gouvernements successifs d’Haïti (e.g. Recueil des Lois et Actes, Documents diplomatiques, etc.), il est possible de se faire une assez bonne idée de ce qu’a pu être l’histoire du paiement des 30 000 obligations mis sur le marché en 1825 et du paiement des intérêts que cet emprunt a engendrés (et l’histoire du paiement de l’indemnité aux anciens colons).
Donc, en 1839, il ne restait seulement que 17 613 obligations en circulation.   
Après la conclusion des traités de 1838, un million de francs devait être consacré au remboursement des obligations de l’emprunt et au paiement des intérêts. Deux commissaires haïtiens, Faubert et Frémont se sont rendus à la Banque Laffitte pour prendre les arrangements avec les porteurs d’obligations avec l’appui de M. Laffitte.  Les obligataires furent convoqués en assemblée générale. La situation réelle des finances d’Haïti leur fut exposée. Les obligataires ont alors accepté le plan conçu par la banque Laffitte et présenté par les commissaires haïtien :
·         Abandon des intérêts au taux de 6% accumulés sur 10 ans du 1er janvier 1829 au 1er janvier 1838 inclusivement sur les 27 600 obligations censées en circulation, soit 16 560 000 francs.
·         Réduction du taux d’intérêt  de 6% à 3% sur les 17 613 obligations restant dues.
·         Réduction de 1200 à 600 du nombre d’obligations remboursables annuellement par tirage au sort.
 
L’histoire des obligations de l’emprunt de 30 millions de francs entre 1839 et 1893
 Paiement du solde du solde de l’emprunt à partir du traité financier de 1838.
Les annuités de cinq premières années (1838-1842) furent réglées comme convenu avec les porteurs d’obligations. Puis, il y eut la révolution de 1843 qui suivit le tremblement de terre de 1842.  Les paiements furent suspendus en 1843 peu après la chute de Boyer.
Jacques Laffitte décéda en 1844 et le président Boyer, exilé à Paris où, dit-on, il vivait dans des conditions difficiles, mourut en 1850.
Il y eut entre la France et Haïti, une convention en 1847 [15], sous Soulouque, qui fut renégociée en 1854 [16], Elle concernait la reprise des paiements de l’indemnité et de l’emprunt.
Le remboursement de l’emprunt aux obligataires avait été repris en 1856 pour se terminer en 1885-1886 selon le Président Salomon, en 1887 selon le ministre Frédéric Marcelin, en 1893 selon le ministère français des Affaires étrangères en se basant sur le rapport d’une commission d’arbitrage franco-haïtienne.
Dans son exposé des Relations extérieures à l’Assemblée nationale pour l’année 1885, le Président Salomon présenta la situation du remboursement de la double dette d’Haïti [17]:
«Il a été compté à la France sur notre double dette, Indemnité et Emprunt, les intérêts de retard compris, une somme de Frs 727,421.36. Elle se décompose comme suit:
Terme échu le 31 mars 1883 …………………………………………. Frs  223,059.37
Intérêts sur ce terme à 5% l'an du 1er avril l883 au
31 décembre 1884, …………………………………………………………..  19,517.66
Terme échu le 30 juin 1883 ……………………………………………….. 223,059.37
Intérêts sur ce terme à 5 % l'an du 1er juillet 1883 au
31 mars 1885 ………………………………………………………………… 19,517.81
Terme échu le 30 septembre 1885 ………………………………………  223,059.37
Intérêts sur le terme à 5 % l'an du 1er octobre 1883 au
20 juin 1885 …………………………………………………………………   19,207.78
                                                                                                         _______________
                                                                                                         Frs 727,421.36
«Avec le règlement des deux trimestres échus le 30 septembre et le 31 décembre 1883, cette double dette sera éteinte.»
«Je n'oublie pas que ce dernier trimestre est seulement porté pour mémoire dans l'état de 1870, une liquidation générale et définitive devant être faite pour en fixer le chiffre exact.»
Le Président Salomon fait référence à l’indemnité aux anciens colons de Saint-Domingue, mais il a été montré dans l’article précédent [11] que l’indemnité avait déjà été éteinte dès 1878.
Le 2 juin 1893, le ministre français des Affaires étrangères, M. Develle,  écrivit au ministre d’Haïti à Paris, M. Box, une lettre dans laquelle il dit ce qui suit [18]:
« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, à la suite de l'examen auquel les comptes de l'Emprunt d'Haïti de 1825 ont été soumis de la part de MM. Hamot, Inspecteur Général des Finances, et Gluck, Consul Général d'Haïti à Paris, qui avaient été désignés par les deux Gouvernements pour cette mission, le Gouvernement Français a décidé de considérer le Gouvernement Haïtien comme désormais libéré envers lui par les paiements effectués à ce jour pour le service des intérêts et l'amortissement de l'emprunt dont il s'agit.»
 «Le Gouvernement Français se réserve de prendre, en conséquence, les dispositions nécessaires en vue d'assurer le remboursement, dans un délai aussi rapproché que possible, de ce qui peut rester en circulation aujourd'hui des titres de cet emprunt.»
 
Voici comment Frédéric Marcelin, ancien ministre des finances du gouvernement du Président Florvil Hyppolite en 1892-1894, rapporta l’extinction de la l’emprunt de 1825 à la fin de 1893 [19]:
«Après bien des difficultés et des lenteurs compromettantes pour le crédit national, la question de la double dette française vient d'être réglée.»
«Depuis le 1er juillet 1887, le gouvernement estimait sa créance éteinte : toutes les valeurs de l'état général de la double dette ayant été intégralement payées, soit à échéance, soit avec des retards compensés par des intérêts calculés au taux de 5 %, sauf celle du dernier trimestre de 1883 portée pour mémoire à 228,059 fr. 87, mais dont le chiffre exact devait être fixé à la liquidation générale - or, à cette même époque il existait encore dans la roue, conformément au certificat de notre Légation à Paris, onze cent vingt-quatre numéros non amortis, valeur 1,124,000 fr. à notre débit.»
 
«Notre ministre à Paris était assailli journellement par les porteurs réclamant le paiement de leurs obligations, et qui, par le fait, ne connaissaient que nous. Il faut aussi ajouter qu'il avait été complètement établi par l'examen des comptes de la Caisse des Dépôts et Consignations que les 1,288,712 fr. 87 que M. Charles Noël, notre ancien consul, avait comptés à M. Laforestrie et que l'on croyait à tort ne pas figurer au crédit du Gouvernement, s'y trouvaient bel et bien. Pourtant, les experts ayant admis que la Caisse des Dépôts et Consignations avait fait une mauvaise application des remises du Gouvernement et que des intérêts excessifs avaient été payés aux porteurs de titres de l'Indemnité alors que la Caisse eût dû approprier ces fonds à l'amortissement de la dette, un compromis fut proposé sur la base que le Gouvernement français renoncerait formellement à toute demande ultérieure de remboursement, en ce qui concerne la double dette de 1825, qu'il considérerait comme définitivement réglée et accepterait comme siens les engagements envers les tiers représentés par les 1,124 obligations - 1825 qui restent encore dans la roue. Ce compromis, fortement appuyé par notre ministre à Paris, a été accepté par les deux Gouvernements.»
 
 
Pour terminer cet article, je présente le tableau suivant que j'ai bâti pour résumer le déroulement des paiements de l’emprunt de 1825. Il est axé sur les dates des tirages au sort des obligations retirées de la circulation. Ces informations permettent d’apprécier indirectement le flux des paiements d’Haïti et directement le flux des montants rendus disponibles aux obligataires de l’emprunt de 1825. Les montants versés par Haïti en intérêts sur l’emprunt et en intérêts pour retards de paiement sur l’emprunt ont été considérables; ils ne sont pas indiqués dans le tableau. Ils ont été payés intégralement par Haïti.
 



 
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Bibliographie
 
  1. François Blancpain (2001) – ‘‘Un siècle de relations financières entre Haïti et la France (1825-1922)’’ – Édition L’Harmattan, 2001, 213 p. – Voir pages 66-67.
  2. Frédéric Marcelin (1896) – Les chambres Législativesd’Haïti (1892-1894), Exposé général de la situtation – 1893 – Finances, pages 180-181                                                                                         [  https://archive.org/details/leschambreslgi00marc  ]